03/05/2005

Le monopole a la vie dure

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

Libé publie aujourd’hui un article des plus à-propos qui pointe les difficultés des projets de collectivés locales n’ayant pas retenu l’opérateur historique pour leurs projets d’aménagement numérique du territoire. On y parle notamment du Limousin, avec le recours (non suspensif) intenté par France Télécom, mais aussi du lobbying intense mené par différentes organisations, notamment des syndicats.
Les lobbies sont en mouvement et les vieux clichés ont la vie dure.


Ce constat est déjà débattu et bien documenté, mais le fait qu’il s’exprime maintenant dans un grand hebdomadaire national traduit bien combien le changement passe mal. En effet, il ne suffisait pas aux parlementaires de constater qu’il était nécessaire de donner aux acteurs politiques locaux la possibilité de prendre en main la problématique numérique territorial, voire de recréer du service public. La loi ne fait pas tout.
De fait, il faut bien constater que si le monopole n’existe plus dans les faits, il n’en est pas de même dans les têtes. France Télécom est une entreprise privée et si elle assure le “service universel”, c’est bien parce qu’elle a été retenue au terme d’un marché public. Les PTT, c’est fini depuis longtemps.
Le marché de la téléphonie et du haut-débit est actuellement très concurrentiel et très dynamique. Depuis l’offensive de Free en août 2003, les prix on chuté de manière vertigineuse et les services double ou triple play (offre couplée téléphone, ADSL et /ou télévision) se sont bien développés. Ce n’est d’ailleurs pas fini car les offres de téléphonie IP vont pulvériser ce qui reste du bon vieux modèle de vache à lait du téléphone commuté. La dérégulation a donc du bon, d’une part pour le consommateur, d’autre part pour le développement du haut-débit et du développement économique de ce secteur. En octobre dernier le nombre d’abonnés au haut-débit a dépassé celui des usagers de modems, c’est un beau résultat à mettre au crédit de tout un secteur.
Cela étant, il est indéniable que les disparités territoriales en terme d’accès existent et compte tenu que c’est la loi du marché qui régie maintenant le secteur des télécoms, seule l’initiative publique est à même d’y répondre. Il est donc légitime que les collectivités puissent investir ce domaine et d’ailleurs l’opérateur historique ne leur conteste pas ce droit.
Mais il n’aime visiblement pas beaucoup ne pas être retenu au terme des procédures. Personne n’aime perdre. Plus encore, d’avoir perdu le monopole et donc la déposition de l’éminente notion de service public, il n’en reste pas moins que cette idée puisse être ancrée dans l’esprit de la maison et qu’on puisse y considérer que les marchés qui en reprennent les attributs vous reviennent. C’est cela étant faire bien peu de cas du droit et de la liberté de choix des collectivités locales qui portent des projets.
Certes, il faut que les règles soient respectées et il est légitime de faire valoir son droit de contestation. Pour autant, on ne peut qu’être peiné de campagnes de lobby aux formes parfois grossières, de même que s’étonner des conditions tarifaires proposées par France Télécom pour l’accès à ses installations. À ce propos, c’est d’autant plus choquant quand il s’agit d’infrastructures – récentes – financées par la collectivité et dont la propriété a été transférée purement et simplement à l’opérateur historique. Il ne faudrait pas en effet pas oublier que le réseau France Télécom est purement et simplement privé, que l’on n’arrive en général même pas à savoir où se trouve ses équipements, alors que celui que veulent se constituer des collectivités dans le cadre de projets type Dorsal seront publics et propriété de la collectivités.
France Télécom veut conserver un position ultra-dominante, c’est un fait. La “charte des départements innovants”, en luttant contre les initiatives visant à des réseaux ouverts et neutres en est l’illustration. En faisant cela, les zones concernées sont moins soumises à l’innovation fruit de la concurrence des télécoms, les usagers concernés ont plus de mal à bénéficier des offres nouvelles qui forfaitisent les coûts de téléphonie ou les réduisent à peu et cela permet donc à l’opérateur historique de continuer à profiter des tarifs exhorbitants du téléphone classique. Il a obtenu une hausse de l’abonnement et de la rente qui en découle. CQFD. Il faut décider en conscience et l’Autorité de Régulation des Télécom ne dit pas autre chose :

“Sans intervention publique, les zones grises, dans lesquelles le seul réseau existant est celui de France Télécom, devraient donc concerner près de 40 % de la population en 2006. Dans ces zones, l’innovation sera probablement moins importante et les prix plus élevés que dans les zones concurrentielles”

Il y a une très grande confusion actuellement. Quantité de gens pensent comme si France Télécom était encore un monopole public ou comme si son réseau l’était. C’est faux et il est encore plus sidérant de voir des organisations présumées respectables raisonner sur la base d’un retour au monopole public d’Etat.
Il est temps de se réveiller car France Télécom est bien privé et leader d’un secteur peuplé de quantité d’entreprises installées. Le service public des télécoms n’existe plus, n’appartient à aucun opérateur en particulier et le réseau de l’opérateur historique n’appartient qu’à lui. Quand des collectivités montent des projets, elles mettent en concurrence les opérateurs et retiennent celui qui répond le mieux à leur demande, dans le respect des règles.
Maintenant, tout ce beau monde s’agite et l’on voir bien que tout cela l’a qu’un seul but : décridibiliser les délégataires retenus et les élus qui les ont choisis. C’est vil, mais il ne fallait pas non plus être naïf pour penser qu’il suffisait de choisir pour que la contestation s’arrête. Maintenant, la réponse ne peut venir que de la réalité des engagements tenus. Rendez-vous est pris.

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