07/10/2008

Extension du domaine du débat

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

Quand nous répétons à l’envie que la discussion va plus vite sur le web que nulle part ailleurs et qu’il est vain d’essayer de croire qu’on puisse la prendre de vitesse, on ne mesure pas à quel point c’est vraiment le cas, notamment quand un rendez-vous de masse s’étend par la discussion online qu’il suscite en même temps. Comme nous en sommes habitué maintenant, les grands rendez-vous politiques signent l’évolution des choses. En l’espèce, l’élection américaine nous en donne un saisissant exemple, ce qui doit nous amener à modifier notre façon de penser l’interaction avec le public.


Il y a déjà six mois, l’étude des twitts postés durant la conférence de Marc Zuckerberg à SXSW n’avait pas seulement montré que la salle était mécontente de la tenue du débat, surtout qu’elle avait fini par le mener toute seule pour elle-même, ignorant ce que pouvait se dirent sur scène. Il peut paraître improbable pour le commun des mortels que des gens qui ont payé et se sont déplacés à l’événement et qui sont assis les uns à côté des autres aient le nez rivé sur leur bécane à propulser des twitts, mais le fait est que cela produit une sorte de contradiction au débat en live. À quand les retours twitters sur scène ! Voir cette vidéo où les twitts défilent en parallèle de l’interview. C’est proprement saisissant.

Il y a quelques jours, Twitter a lancé un fil dédié à l’élection américaine. Certains ont trouvé que c’était un gadget ou simplement un générateur de bruit, mais c’est aussi du pain béni pour observer ce qui se dit et surtout ce qui se passe quand il y a un événement, tout particulièrement un débat.
Ainsi, Current.tv et Twitter se sont livrés à une expérience plus que stimulante avec hack te debate, proposant de surajouter ses twitts synchro avec le débat live. Où comment étendre le plateau à ceux qui le regardent. Une vraie disruption, qui modifie profondément la manière de penser ce genre de grand messe que sont les débats électoraux. Là encore, à quand le retour Twitter sur le plateau afin que le panel puisse en tenir compte !
Evidemment, on ne peut qu’être pris de vertige, quand on pense qu’un argument jetté à la face du public est immédiatement disséqué, contredit, autopsié.
Alors pour ceux qui pensent que Twitter n’intéresse que des compulsifs en malaise narcissique, il suffit d’observer ce qui se passe, bêtement, avec Google. Dans un saisissant article sur RWW, Marshall Kirkpatrick explique comment des millions de requêtes Google ont été générées e façon synchrone en lien avec les arguments de Sarah Palin et Joe Biden lors du débat des colistiers de la campagne présidentielle US. Et de verser à l’appui ce billet du blog de Google, qui pointe en vis-à-vis de chaque point du débat, les requêtes formulées sur Google.
Qu’est-ce que l’on observe ? que lorsqu’un terme particulier est utilisé, il fait instantanément l’objet de recherches caractéristiques d’un besoin de compréhension (cas type sur les termes “theocracy” et “maverick”), que lorsqu’un argument est prononcé, il donne lieu à vérification (cas type lorsque Biden a fait la leçon à Palin sur la définition du rôle du vice-président dans la constitution américaine).

L’ère médiatique est bien finie. Jusqu’à présent, enfumer son monde en direct du débat pouvait passer comme une tactique valable car la vérité sortait le lendemain matin alors tout le monde avait quitté le lieu du crime et que les choses étaient redevenues froides. Dorénavant, s’en est fini. Les gens ont les moyens de trouver en live les définitions et explications, se forger une opinion et surtout, la faire savoir. Tout cela sans rien enlever à la tension du moment. Etre sur le grill risque de prendre une signification plus que concrète à l’avenir.
Dans cet affaire, c’est un peu comme si la discussion prenait le pas sur l’événement lui-même, où que le débat soit en fin de compte le prétexte à un rendez-vous de masse et qu’il serve de terreau à une discussion entre ceux qui y assistent, plus importante que le débat lui-même sans doute.
Deux questions avec tout cela maintenant.
Comment cette réalité influe-elle sur le résultat des courses ? On verra bien, mais j’ai tendance à penser que se fait au détriment des challengers, le public pouvant avoir tendance à brosser ses convictions dans le sens du poil, et à l’avantage de ceux qui sont capables de mobiliser ceux qui parlent. Une bonne nouvelle à ceux qui cultivent du militantisme en quelque sorte.
Google et Twitter ne sont que des outils, mais leur impact dans le cas présent prend de l’importance. Quid des questions posées sur leur indépendance ? leur neutralité ? Plus les choses avancent, plus ils se placent en médiateurs de choses de plus en plus importantes. Accès au savoir, démocratie, le web change le monde et ça se passe en ce moment !

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