22/11/2005

Les dynamiques coopératives en ligne restent à la porte des organisations

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

Le billet de Rodolphe Helderlé sur le blog de ZDNet pose la question de la prise en compte des nouvelles pratiques coopératives sur le réseau au sein des organisations et des systèmes d’informations qu’elles mettent en oeuvre. Le cas des intranet de grands groupes est un bon exemple, mais on peut décliner la chose à quantité de domaines. Homo Numéricus abordait également le cas de l’enseignement supérieur et de ses ENT et reliait cette discussion avec le Web 2.0. Cela m’avais donné l’occasion de dépasser cette notion très tendance pour aborder le fonds, c’est-à-dire le modèle d’organisation et sa capacité à générer de la coopération.


L’étude de cas de Rodolphe Helderlé illustre efficacement ce qui est actuellement un lieu commun dans les grandes organisations et c’est bien évidemment cela qui choque.
On nous rabat les oreilles avec les réseaux sociaux et le web 2.0, mais le réseau n’a pas attendu cela pour démontrer la pertinence des dynamiques sociales en ligne et leur intérêt productif, en témoigne la vieille notion de communauté virtuelle. Aujourd’hui, il faut surtout retenir que sur l’internet, ce que les utilisateurs développent actuellement, c’est leur capacité à se saisir de modalités d’échange et de partage pour développer des dynamiques sociales hautement interactives, productives et enrichissantes à tout point de vue. Ce mouvement, qui est de mon point de vue un épisode de l’avènement de la société de l’information en tant qu’innovation globale, se développe à un niveau de massification extrêmement rapide.
D’un autre côté, les grandes organisations n’ont pas pris la mesure de ce changement et continuent à construire de bons gros systèmes d’informations centralisés, organisés, structurés, dans lequel l’individu est mis en boîte avec un objectif purement fonctionnel. L’individu produit et alimente, mais on ne se soucie pas de la contrepartie qu’il peut en tirer, ce qui le place en situation de non-motivation et donc de non-coopération. On reproduit ainsi de bonnes vieilles approches keynésiennes, miroir des structures hiérarchiques du XXe siècle. On est dans le registre de la pyramide des attributions et des droits.
Le problème ne vient pas des outils. Outre qu’il ne viendrait pas à l’idée d’une Direction de prendre le risque de donner accès à ses collaborateurs à un environnement ouvert de de wiki, blogs et autres outils coopératifs, ce n’est pas pour autant que cela fonctionnerai. Le décalage existant entre la logique organisationnelle rigide et géométrique de la structure et celle en réseau bloquent les pratiques que permettraient ces outils.
Il y a évidemment un sérieux problème de confiance. La nécessité de tout contrôler et que chacun reste bien à sa place, d’aucun diront la propension de l’encadrement intermédiaire à garder la main sur ses subordonnés, conduit à verrouiller le système. Les utilisateurs sont maintenus dans leur case et dans le rôle qu’on leur a attribué, il ne faut donc pas s’étonner que tout cela génère au mieux une très faible valeur ajoutée.
Est-ce à dire que la société, en tous cas la société de l’information qui émane du réseau, est en avance ou que les organisations sont en retard d’un cycle ?
Je pense surtout que c’est un très gros changement que d’adopter un cadre d’organisation en réseau quand on est organisé en pyramide, que l’on peut se bercer d’illusion et croire que positionner des outils suffira. Je ne m’étonne alors pas de lire des tribunes où se manifeste la rancoeur à l’encontre de projets coûteux et trop peu productifs. Quand les fondations sont mauvaises, la maison ne tient pas debout.
À contrario, le réseau permet facilement à différents individus isolés de mettre en oeuvre un environnement de coopération propice à valoriser leurs énergies créatives, dans lequel ils s’organiseront et accueilleront de nouveaux membres. On est un peu dans le registre de la coopérative, modèle d’entreprise très en vogue, comme par hasard, vous penserez sans doute et à raison au logiciel libre.
Est-ce à dire que les organisations établies ont du souci à se faire, que les nouveaux venus qui adoptent des modes de fonctionnement plus à même de tirer parti des opportunités d’interactions coopératives en ligne sont mieux placés ? Oui car on sait que le modèle en réseau de la société de l’information est plus productif que les approches traditionnelles. Quelques faillites ou déconvenues retentissantes viennent le rappeler.
Si l’on se réfère à quelques exemples récents qui voient des entreprises basées sur des modèles historiques balayés par de nouveaux venus, ce n’est une question de temps et il est temps, justement, pour les organisations bien établies de faire preuve d’humilité et de réfléchir à réformer leur gouvernance.

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