27/05/2009

Facebook a de la valeur, mais pour quoi au juste ?

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

La bonne nouvelle du jour pour le monde digital est que facebook a trouvé de l’argent. Voilà qui valorise le réseau des réseaux à hauteur de 10Md$ (au même niveau que lors de l’entrée de Microsoft en 2006), soit approximativement 50$ par user. Twitter, et son rachat in-progress, appréciera.
Zuckerberg en profite pour promettre que les revenus progressent et que Facebook sera rentable en 2010. Ça ne mange pas de pain, mais ça dit quand même en creux qu’il n’y a pas de disruption du modèle à attendre. D’ailleurs, vu la sensibilité des facebookers aux changements de l’interface des règles du jeu, il est plutôt sein pour Facebook d’assurer d’une certaine stabilité.
Voilà aussi une manière de répondre au constat sur le fait que les réseaux sociaux sont de mauvais vendeurs. C’est tellement vrai que la pub y est très bon marché. Et alors si la viabilité du modèle est en marche ?


Je fais partie de ceux qui ont ronchonné, dès les origines du web 2, sur la propension des services web a se financer par la pub. Non pas par le caractère “facile” de la chose à l’époque ou au regard des risques que cela suppose en cas de tarissement du robinet, simplement par le désalignement que j’estimais et estime encore exister entre la valeur usages pour l’utilisateur et celle du service induite par son mode de financement. On confirme aujourd’hui que les usages des réseaux sociaux vont mal avec la pub. Rien de nouveau là-dedans. Appliquer des logiques médiatiques à des relations interpersonnelles ne peut qu’être imparfait.
Oui, la pub est imparfaite dans les réseaux sociaux, c’est juste qu’on essaye d’y appliquer un modèle industriel venant d’un autre monde à défaut que les annonceurs diversifient sur d’autres modèles, étant entendu qu’on ne leur en propose pas vraiment de nouveau, au sens industriel s’entend. D’une certaine façon, la pub c’est encore ce que tout le monde comprend et sait acheter sur étagère. Quand certains disent qu’il est vraiment temps au digital de se préoccuper de codifier ses modèles relationnels, c’est pas peu dire.
Avec cette annonce, Zuckerberg me semble enterrer la grande idée du social-graph et de sa monétisation. Tant mieux, le social-graph, ça n’existe pas. Ce concept n’a germé que dans la perspective qu’il puisse se vendre et ce n’est pas le cas, car ce n’est pas un produit ni même un service. Les réseaux sociaux sont simplement de nouveaux moyens pour cultiver notre appétit à échanger et socialiser entre humains. Un besoin fondamental et un terreau d’innovation et de progrès technique de tous temps. Même si ça change la société et ce que nous sommes, que ça va plus vite, on est dans la continuité. Facebook est juste symbolique d’une nouvelle industrie de l’échange. Avant lui, il y avait eu le téléphone, par exemple. Donc exit la monétisation disruptive du social-graph basée sur le téléguidage de la prescription par les pairs. La prescription paire à paire n’a pas à être téléguidée, car elle perd alors sa crédibilité. La prescription a besoin d’être nourrie par une bonne expérience, de celle qui fait que les clients sont satisfaits et d’une certaine façon experts. On aime bien se la pêter et pour ça, il faut être fier de ce dont on parle. Il faut être à la fois stimulé et comblé. C’est ça le vrai sujet.
Quelque part en 2008, le VP Marketing de Nike a dit à peu près ceci : “mon job n’est pas d’engraisser les médias en achetant de la pub, mais de me connecter avec mes clients”. Il a simplement dit qu’il attendait autre chose que de l’exposition, qu’il attendait de ce qui lui était proposé que cela nourrisse la relation avec ses clients. Alors certes, tout le monde n’est pas Nike, mais tout le monde a maintenant devant lui la possibilité de profiter des réseaux sociaux pour ce qu’ils sont : un moyen d’entrer en relation et de susciter de l’attention active de la part de ses clients et futurs clients par rapport à ce que leur procure ou pourrait leur procurer l’expérience des produits ou services de la marque. De les rendre heureux et fier de ce qu’on leur vend. Qu’ils en parlent est une conséquence, pas le moyen.
Dans ce contexte, la pub est un moyen, mais elle n’est pas le seul. Et ce n’est pas parce que la partie la plus visible de la monétisation de Facebook ou d’autres est de la pub qu’il faut que ce soit ce qu’une marque doive faire dans Facebook en particulier et les réseaux sociaux en général. Ce qu’a réussit Facebook, c’est simplement que ses utilisateurs y passent du temps (bientôt une demi-heure par jour) à se parler et que ce temps augmente. Il se fait sans doute au détriment de la TV et d’autres supports qui recherchent notre attention, mais il ne se convertit pas seulement en terme d’espace pub. Nous n’y faisons pas la même chose et ça ne peut donc pas se transformer de la même façon d’un point de vue marketing ou économique. On ne peut pas appliquer sur les réseaux sociaux la grille d’analyse économique des médias du XXe siècle. Les gens ne sont pas là pour consommer de l’information, mais ça ne veut pas dire que ça n’a pas de valeur.
La nouvelle du jour, c’est que Facebook est toujours là et qu’il n’appartient qu’à nous de profiter du gigantesque connecteur qu’il représente avec les consommateurs pour en tirer profit. Facebook ne vend peut-être que de la pub, mais il suffit de donner valeur à ce qu’on y fait pour susciter de nouveaux modèles et changer les choses. On est tous dans le même bateau.

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