17/08/2011

Google rachète Motorola Mobile : Qu’est-ce que cela change ?

Author: Manuel Diaz

Lundi dernier, Larry Page CEO de Google a annoncé l’acquisition de Motorola Mobile pour 12,5 milliards de dollars (rachat qui doit bien entendu être validé par la commission de la concurrence américaine).

Présenté avant tout comme un geste défensif dans l’optique de l’obtention des 17 000 brevets de Motorola (arguments qui est revenu 24 fois lors du call aux investisseurs), ce rachat donne néanmoins des indications bien plus profondes concernant l’évolution du marché mobile.

Un rachat en phase avec la Post-PC era

Depuis la présentation fondatrice “Internet Trends” de Morgan Stanley en 2010, où est exposé le fait que l’expérience web passera plus par le mobile que par l’ordinateur, un consensus s’est formé pour dire que nous sommes passé dans le Post-PC era, l’ère où l’ordinateur n’est plus le centre de l’expérience digitale.

Pour s’en convaincre, il suffit de regarder Apple, qui en plus de la symbolique de l’abandon du terme Computer dans son nom, vend pour 13 milliards de dollars d’iPhone et seulement 5 milliards de dollars d’ordinateurs au 3ème semestre 2011.

Il est donc tout à fait normal que 6 ans après le rachat d’Android, Google continue ses investissements dans le mobile

Un aveu d’échec de la stratégie de plateforme 

Pour autant, ce rachat est une rupture car il annonce la fin d’un modèle : celui pour Google de n’être que fournisseur de software, et son entrée dans le monde du hardware.

Bien que la plateforme Android soit majoritaire en OS smartphone US  et Europe , la multiplicité des devices rend l’expérience très variée, et complique la tâche aux developpeurs, et donc l’attractivité de la plateforme.

 Aujourd’hui, l’expérience d’un smartphone passe avant tout par l’écosystème applicatif de ce dernier.

Ainsi la maîtrise de l’ensemble de la chaine (hardware et software) est donc un atout pour garantir la meilleur exploitation de la plateforme par les developpeurs.

Maintenant qu’Android a atteint une taille critique de part de marché (et donc réduit fortement la probabilité de sa disparition), Google se devait de reprendre la main sur la partie hardware afin de tirer par le haut l’expérience future sur Android

Quel impact pour le consommateur et les marques ?

A court terme, aucun. Google a annoncé que Motorola Mobile continuerait à vivre comme une business unit indépendante.

Pour autant, il ne faut pas se voiler la face: la création de valeurs issue de ce rachat passe forcément par une relation privilégiée entre les équipes Android et les équipes Motorola.

A moyen terme, on peut voir émerger l’apparition de véritables Android phones, téléphones de référence de la plateforme.

Cette évolution pourrait donner un sérieux coup de fouet à l’adoption d’usages créateur de rupture pour les marques et les consommateurs tel

  • Le payement sans contact (Google Wallet couplé avec une puce NFC)
  • La reconnaissance d’image, et donc le pont naturel entre le monde physique et virtuel (Google Goggles par défaut optimisé en hardware dans la machine)

De plus l’installation de caractéristiques standards (taille d’écran, unicité du système d’exploitation) permettra une meilleurs visibilité pour les developpeurs, une plus grande optimisation des resssources, un ticket d’entrée plus bas, et donc une multiplication des applications.

Pour autant, cette vision idyllique ne peut cacher le challenge que ce rachat représente. En effet, les cultures des deux entreprises sont très différentes, et ce rachat entraîne clairement des conflits d’objectifs au sein même de la division Android : Diffuser au maximum la plateforme et donc s’appuyer sur des constructeurs externes (HTC, Samsung etc…) mais privilégier la solution interne pour permettre la création de smatphones qui accompagnent la stratégie globale du groupe.

Le passé nous rappelle que les idées théoriquement excellente peuvent s’avérer être des désastres absolus, à l’exemple de l’alliance Contenant/Contenu et l’échec de la méga fusion AOL-Time Warner.

Quels avenirs pour les autres acteurs ?

Le marché des smartphones  bénéficiant clairement de l’effet de réseau (plus une solution est adoptée, plus elle devient attirante créant ainsi un cercle vertueux), il est évident que ce dernier va se structurer.

On évalue qu’à l’aube de 2012-2013 trois acteurs vont se partager le marché.

Nous en avons 2 : Apple et Google.

Qui sera le troisième ?

La vision d’un rachat de Nokia par Microsoft  est la solution la plus facile à imaginer, même si Microsoft, stratégiquement, aurait tout à gagner de montrer sa “presque” neutralité constructeur et nouer des partenariats avec les “mécontents” de cette histoire afin de pousser WM7 qui ne décolle pas.

RIM n’a pas dit son dernier mot avec le rachat de QNX qui va développer le prochain OS, et possède une marque forte, pouvant ainsi éventuellement inverser la tendance.

De leur côté, les constructeurs pourraient être tentés de lancer leur propre OS (à la Bada de Samsung, WebOS de HP ou du mort-né Meego de Nokia et Intel) afin de garder un maximum d’indépendance. Pour autant, le ticket d’entrée reste cher, et la mise sur le marché longue

En conclusion :

Google fait un pari risqué, mais nécessaire, en rentrant dans le monde du hardware. S’il veut ne pas rater le virage mobile, et se donner l’occasion de diversifier ses revenus, il se doit de driver autant sur le software que sur le hardware.

Pour autant, les conflits d’intérêts internes que ce challenge présente ne permet en aucun cas la garantie de son succès, et pourrait déstabiliser durablement l’ecosystème Android

Et vous qu’en pensez-vous ?

A lire en bonus

Un très bon billet de Michel de Guilhermier, orienté finance, mais “cash is king” n’est-ce pas ?

Un mix des avis des analystes sur cette acquisition

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